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aux capitalistes qui engagent leurs fonds dans une société par actions que la limitation légale de leur responsabilité pécuniaire vis-à-vis des créanciers de la société ne les dispense pas des devoirs d’honnêteté et de justice résultant de la coopération volontaire à une entreprise. Or, quelle coopération est plus volontaire que l’apport de ses capitaux à une entreprise ?

Il est aussi immoral de souscrire ou d’acheter des actions d’une grande maison de jeu, du casino de Monte Carlo, par exemple, ou d’un journal pornographique, que de louer sa maison pour l’exploitation de la débauche. Cette responsabilité existe au même titre pour les obligataires.

Les actionnaires ont en outre le devoir de choisir pour administrateurs et directeur des hommes honnêtes qui ne se livrent pas, dans la gestion de leur affaire, à des actes d’improbité commerciale ou qui n’abusent pas d’une position locale prépondérante pour réduire abusivement le juste salaire des ouvriers. Le mandant ne peut en effet échapper à la responsabilité des actes de son mandataire ni se désintéresser de son choix. En un mot, les actionnaires doivent user de leurs droits actuels dans les assemblées générales et de ceux que pourraient leur attribuer des réformes législatives (§ 11), aussi bien pour surveiller l’accomplissement effectif de leurs obligations morales que pour veiller à la défense de leurs intérêts.

C’est à peine si ces notions élémentaires de morale commencent à être affirmées. Leur propagation rencontre une résistance sourde dans la routine et dans une cupidité égoïste, et cependant le jour où les actionnaires honnêtes sauraient se concerter, fussent-ils une minorité, pour remplir leurs devoirs, ce jour-là une grande sauvegarde serait apportée à leurs intérêts matériels. Chacun, en effet, aurait mieux la notion de sa responsabilité. [fin page188]