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de la perpétration de l’acte délictueux, mais à partir de sa constatation. En effet, les financiers véreux, qui commettent ces fraudes, peuvent presque toujours soutenir ces affaires à la Bourse pendant les trois ans nécessaires pour prescrire l’action publique. C’est pour eux uniquement une affaire de millions et c’est là une des causes pour lesquelles la justice se montre si inégale pour les vols commis sur de larges proportions et ceux commis sur de petites[1].

XII. — L’Italie en 1882, l’Allemagne en 1884, la Belgique en 1886, le Portugal en 1888 ont remanié leur législation sur les sociétés anonymes pour la mettre au courant de la science et de la pratique judiciaire, en sorte que les lois de ces pays sont actuellement bien supérieures à notre loi de 1867. L’acte anglais de 1890 sur la liquidation forcée des sociétés, en favorisant les investigations de la justice sur le fonctionnement des sociétés qui ont tourné à mal, assure indirectement une répression possible des agissements coupables de leurs directeurs et fondateurs. Il n’est pas jusqu’au gouvernement provisoire du Brésil qui n’ait fait en cette matière des réformes utiles. Nous devons regretter que la France, qui avait été la première à élaborer la législation spéciale comportée par les sociétés par actions, reste aujourd’hui en arrière de tous les pays.

Sans doute, même avec les réformes que nous venons d’indiquer, bien des abus pourront encore se produire ; mais c’est le devoir du législateur de poursuivre la fraude pied à pied sous les formes diverses qu’elle prend suivant les temps et de ne s’arrêter qu’au point où, en voulant réprimer tout le mal, il empêcherait le bien de se faire ; car le bien a besoin tout le premier de la liberté.

XIII. — Il faut aussi qu’un travail d’opinion se fasse et enseigne

  1. C’est grâce à ce point de départ de la prescription triennale que le baron d’Erlanger et les frères Berthier, ses hommes de paille dans les affaires véreuses que nous avons rappelées, ont pu échapper aux incriminations correctionnelles qui auraient pu être introduites à l’occasion de plusieurs des sociétés fondées par eux pendant les quelques années, où le Crédit général français a exercé son activité malfaisante, notamment à l’occasion de la Société des Réassurances générales.