Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/206

Cette page n’a pas encore été corrigée

à la faveur d’un dividende élevé. C’est là le point irrémédiablement faible des sociétés anonymes, celui sur lequel l’attention des personnes qui souscrivent ou achètent des actions doit être incessamment éveillée.

10° La distribution de dividendes, alors qu’il n’y a pas encore de bénéfices acquis, ne devrait-elle pas au moins être interdite comme une diminution détournée du montant des actions ?Il faut d’une part la niaiserie des actionnaires, de l’autre le désir des fondateurs de pousser à la hausse pour se livrer à une pratique aussi déraisonnable. En Angleterre, un acte spécial du Parlement est nécessaire pour l’autoriser. En France, elle se produit librement et c’est elle, on peut le dire, qui a rendu si désastreuse la catastrophe du Panama pour la petite épargne. Jamais, sans l’appât des 15 millions qu’elles ont touchés du 9 décembre 1880 au 15 décembre 1888, les 600.000 actions n’auraient été souscrites par des personnes incapables de contrôler la manière dont l’affaire était conduite. Jamais non plus les actions ne seraient montées à 575 francs (cours du 5 janvier 1882), au grand profit de ceux qui ont su les écouler dans ces cours-là, en réalisant un bénéfice de 75 francs par action. Toutefois il faut se rappeler que le Suez et tous nos grands chemins de fer ont distribué des dividendes pendant la période de construction.

11° Une question délicate est celle des facilités données aux sociétés anonymes étrangères de fonctionner chez nous dans des conditions moins rigoureuses que celles imposées à nos sociétés. L’affaire de l’Union sardinière, celle des Grands Magasins, deux sociétés anglaises, ne sont pas encore oubliées.

12° Les réformes que nous venons d’indiquer portent sur les conditions de formation et de fonctionnement des sociétés anonymes au point de vue du droit civil. Une autre réforme est réclamée par les criminalistes, qui ont été à même de constater l’impuissance des tribunaux répressifs en face de fraudes et d’escroqueries patentes. Elle consisterait à faire courir la prescription de trois ans, quand il s’agit de délits commis en matière de sociétés anonymes, non pas à partir