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XI. — N’oublions pas cependant que le fonctionnement de beaucoup de sociétés est irréprochable. Il en est d’elles comme des honnêtes femmes : on n’en parle pas. La science juridique fournit d’ailleurs le moyen de diminuer ces abus. Des spécialistes éminents s’en sont occupés, notamment dans un congrès réuni à Paris pendant l’exposition universelle de 1889. Après eux, nous signalerons les principaux points sur lesquels l’attention du législateur doit se porter :

1° Notre loi de 1867 a multiplié à l’excès les nullités. La plupart ne sont pas justifiées et sont des armes données à la mauvaise foi. C’est bien plutôt dans la responsabilité effective imposée aux fondateurs, comme l’ont fait la loi allemande de 1884 et la loi belge de 1886, qu’il faut chercher des garanties pour les tiers.

2° Faut-il élever le chiffre minimum de 500 francs fixé aux actions, si ce n’est dans le cas de société à capital variable ? En Allemagne on l’a fait[1] ; mais en Belgique on a justement pensé que la forme anonyme convenait également à de petites sociétés et qu’il ne fallait pas en faire un privilège de la richesse. Les Anglais ont des actions d’une livre sterling ! Au moins il faut absolument exiger qu’une action ne puisse être au porteur que quand elle est complètement libérée, au lieu de se contenter du versement de la moitié, comme le fait la loi actuelle. Le Code de commerce italien de 1882 ne permet l’action au porteur que si elle est complètement libérée.

3° La loi allemande du 28 juin 1884 a pour la première fois essayé de donner une définition juridique de cette expression de fondateur, Grunder, qui tient une si grande place dans les débats politiques et économiques de ce pays. « Sont considérés comme fondateurs les actionnaires qui

  1. La loi allemande a élevé à 1.000 marcs le minimum de l’action. Toutefois, elle peut être seulement de 200 marcs : — 1° dans les sociétés d’une utilité générale ou locale auxquelles le Bundesrath accorde cette faveur ; — 2° dans toutes celles où le transfert des actions n’est permis qu’avec l’agrément des autres membres de la société. Cette dernière disposition est excellente. Mais la première indique les inconvénients d’une limitation si rigoureuse à la fondation des sociétés. Beaucoup d’œuvres de bien public doivent emprunter cette forme et il est également fâcheux de les empêcher de se constituer ou de les soumettre au contrôle arbitraire du gouvernement.