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en réalité, un simple salarié, par des conseils d’administration composés de leurs créatures ou d’hommes absolument incompétents. Un des plus tristes traits des mœurs contemporaines est la facilité avec laquelle des hommes politiques et des personnes ayant un titre nobiliaire acceptent d’être membres d’un conseil d’administration sans y apporter compétence ni travail, uniquement pour toucher des jetons de présence et recueillir les menus profits que leur abandonnent les vrais chefs de l’affaire.

Sénateurs et députés de droite, de gauche, du centre, écrivait M. P. Leroy-Beaulieu en 1879, se jettent sur les sociétés financières comme sur une proie : le titre d’ancien ministre vaut une place de président de conseil d’administration : le commun des députés et des sénateurs devient simplement administrateur. Ils sont bien deux ou trois cents dans ce cas, cherchant à se tailler quelque sinécure assez maigre par les profits directs qu’elle donne, mais que l’on espère devoir être plus productive par les profits indirects, émissions à primes, participations dans les syndicats[1].

Depuis les nouvelles législatures, sénateurs et députés ne se montrent pas moins friands de ces positions. Ces mœurs là ne sont du reste point particulières à la démocratie française. En Angleterre, les membres de la Chambre des Communes qui font partie des sociétés anonymes sont fort nombreux, ce qui s’explique par le fait que le Parlement se recrute en majorité dans la classe industrielle et commerçante et non pas, comme chez nous, presque exclusivement parmi les avocats. La même raison n’existe pas pour les Pairs ; or l’Economist, dans son numéro du 26 juillet 1890, a pu établir que sur 508 membres de la Chambre des Lords, déduction faite de la famille royale et des lords spirituels, 87 étaient, à la fin de 1888, directeurs de sociétés anonymes ; 23 d’entre eux figuraient dans 122 conseils d’administration ; 16 fils de pairs se partageaient entre 103 compagnies. Quelques-uns ne figurent que dans des compagnies sérieuses ; mais beaucoup

  1. Economiste français, 8 novembre 1879.