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leur dividende y correspondît. De lourdes pertes en sont résultées pour la petite épargne qui s’était précipitée dans ces valeurs. Un Krach, presque aussi intense que celui de 1873, a éclaté en novembre 1873 et a fait sauter maints banquiers de second ordre qui avaient suivi aveuglément l’impulsion des grands.

VIII. — Si les journaux ne peuvent pas contrôler les annonces qu’on leur apporte, ils devraient être tenus pour responsables des articles de rédaction qu’ils insèrent et qui leur sont payés à un tout autre tarif. La presse, en effet, joue un rôle considérable dans les affaires financières. Lorsqu’en mars 1888 l’Assurance financière mit en souscription, au prix de 250 fr. l’un, 100.000 bons d’épargne, le traité passé entre M. Boulan et M. Xau, publiciste, fixait à 2.850.000 fr., soit 28 fr.50 par titre ou 11 fr.40 pour 100, les frais de publicité dans les journaux de Paris et des départements[1]. Ce n’est pas évidemment pour des annonces en quatrième page que ces sommes énormes étaient dépensées.

Les plus empressés parmi les journaux à ces trahisons lucratives sont quelquefois ceux dont la spécialité est de faire la guerre aux exploiteurs du peuple, dit spirituellement M. de Foville. Lorsque cent gazettes de couleur diverse, interrompant tout à coup leurs querelles quotidiennes, se mettent à paraphraser à l’unisson le prospectus du jour, les esprits avisés se méfient, mais les naïfs prennent confiance.

Il est grave que des établissements étroitement liés avec le Gouvernement recourent à ces manœuvres. « Je suis le directeur d’un grand établissement financier, écrivait cyniquement le directeur du Crédit foncier ; j’ai besoin de me rendre l’opinion publique favorable et pour cela je paye. » Deux millions par an à titre de mensualités, distribués aux journaux les uns pour se taire, les autres pour louer, cela a paru par trop fort[2].

  1. Voy. le jugement du Tribunal de la Seine et l’arrêt de la Cour de Paris, dans le Droit du 13 mai 1888, et la Loi du 5 août 1888.
  2. V. le discours de M. de Lamarzelle à la Chambre des députés, le 2 juillet 1890. Le rapport de l’inspecteur des finances fait très bien ressortir l’inutilité