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aux actionnaires, ces majorations frauduleuses du capital sont encore fâcheuses pour l’ensemble des conditions industrielles ; car elles constituent une charge pour l’entreprise et forcent les directeurs à se montrer moins larges envers les ouvriers qu’ils pourraient l’être sans cela. S’il s’agit d’un chemin de fer ou de toute autre entreprise, qui n’est soumise qu’imparfaitement à la concurrence, la majoration du capital tend à maintenir les tarifs à un taux trop élevé[1].

Mais une société par actions ne se fonde pas spontanément. Sa création est le fait d’un certain nombre de personnes, qui ont conçu une affaire et qui y attirent des capitaux en invitant le public à souscrire des actions. Presque toujours les fondateurs ont besoin de l’intermédiaire d’une banque, d’une société financière, qui a une clientèle de capitalistes, c’est-à-dire de gens ayant des épargnes disponibles, à laquelle elle inspire une confiance plus ou moins justifiée. Ces capitalistes généralement ne connaissent pas et ne sont pas à même de connaître les chances de réussite d’une affaire commerciale ou industrielle. Ils s’imaginent que la société financière, qui ouvre ses guichets à la souscription, a fait ces vérifications. Or, malheureusement, il n’en est rien, la plupart du temps.

Sans donner des exemples particuliers, un seul fait éclairera les lecteurs. Il y a dans l’ensemble des affaires des alternatives naturelles de prospérité et de dépression, quelque

  1. Henri George, Progress and Poverty (New-York, 1881), liv. III, chap. iv, of spurious capital and of profits often mistaken for interest, pp. 172-175. — V. aussi, dans the Economist du 13 juillet 1889, l’article intitulé the Wattering of railway stocks as affecting railway rates. Une fraude en sens inverse, et qui, dans ces dernières années, a été très fréquente en Angleterre dans la constitution des compagnies pour l’exploitation des mines d’or de l’Afrique australe ou de l’Inde, consiste à fonder la société avec un capital insuffisant. Il est absorbé presque tout entier par l’acquisition des terrains miniers. La compagnie ne pouvant pas fonctionner, on la réorganise au bout d’un an ou deux, c’est-à-dire qu’on la met en liquidation et que l’on transfère son actif à une nouvelle compagnie moyennant un tant pour cent payé aux actionnaires de la première heure, qui sont ainsi dépouillés au profit des vendeurs des terrains et des habiles réorganisateurs de l’affaire. V. the Economist, 10 janvier 1891, Mining speculation, et 30 mai 1891, the Ethics of mining reconstruction.