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Il faut seulement examiner pratiquement dans chaque cas le genre de société qui convient à chaque entreprise et se garder de propager dans l’opinion un engouement exagéré pour la forme anonyme. L’expérience récemment faite en Angleterre prouve que le régime de la société en nom collectif (partnership), qui concentre une responsabilité absolue et solidaire sur un petit nombre de personnes, convient mieux aux affaires d’importance moyenne. Telles boulangeries et glacières, qui avaient donné de bons résultats sous ce régime, ont abouti à la faillite, quand elles ont été mises en actions.

On peut surtout regretter qu’en France, depuis la loi de 1867, en Angleterre depuis 1863, la société en commandite par actions disparaisse à peu près de la pratique. C’est une combinaison qui dans certains cas présente de grands avantages au point de vue de la conservation des grandes affaires industrielles dans une famille et de l’autorité réelle des chefs d’entreprise. L’attention des intéressés devrait être appelée sur les ressources qu’elle offre à ce double point de vue[1]. Elles sont de nature à contrebalancer les avantages que l’anonymat leur offre sous le rapport de la limitation de leur responsabilité comme directeurs.

VI. — Il importe d’affirmer la légitimité intrinsèque de la société anonyme ; car elle a été contestée à tort. Malgré des abus, — auxquels une bonne législation peut remédier en partie, — elle est indispensable au point de vue économique ; et surtout elle est dans un rapport étroit avec les nécessités de notre système social démocratique. Il est heureux que certaines grandes entreprises, comme les chemins de fer, les canaux d’irrigation, les assurances de toutes sortes, qui sans cela deviendraient forcément des services publics, soient exploitées par des compagnies par actions.

  1. V. the Economist, 25 octobre et 25 décembre 1890. En 1887, sur 4285 sociétés commerciales, qui se sont constituées en France, il y a eu 3.114 sociétés en nom collectif, 734 sociétés en commandite, dont 94 par actions, et 294 sociétés anonymes. Les 141 autres sociétés étaient des sociétés à capital variable. En 1849, sur 1.950 sociétés commerciales, il y en avait 182 en commandite par actions. Pour l’Angleterre, V. un mémoire de M. Leone Levi dans le Journal of statistical society de juin 1886.