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Quand il s’agit de banques qui reçoivent des dépôts, les sociétés anonymes sont vues avec plus de faveur par l’opinion à cause de la publicité qu’elles donnent à leurs bilans : l’usage jusqu’ici ne permettait pas de le faire à un banquier particulier[1]. Ce serait effectivement une garantie sérieuse, si ces bilans ne pouvaient pas être altérés frauduleusement. Quoi qu’il en soit, en 1889 et 1890, la transformation des banques privées en joint stock campanies s’est opérée dans de grandes proportions.

Il y a même aujourd’hui tout un ordre d’entreprises, ayant un caractère pécuniaire joint à un but d’utilité publique, qui se constituent sous la forme de sociétés anonymes, en conservant d’ailleurs le caractère civil que la loi française reconnaît à des sociétés de ce genre selon leur objet au lieu de demander au gouvernement à être érigées en établissements d’utilité publique. C’est sous cette forme que se créent des sociétés pour la possession d’immeubles affectés à un intérêt corporatif ou collectif, pour la construction d’habitations ouvrières, pour l’exploitation d’écoles, d’hôpitaux, etc. Il est juste que les citoyens, qui engagent ainsi leurs capitaux n’engagent au moins leur responsabilité personnelle que sous le bénéfice d’une limitation.

Pour toutes ces causes, la société anonyme se répand aujourd’hui partout où pénètre la civilisation occidentale[2].

Rien n’est plus légitime en soi que cette forme d’association. On peut presque dire qu’elle est de droit naturel en vertu de la liberté des conventions. Pourvu que les tiers soient dûment avertis, aucun principe de morale ne s’oppose à ce qu’on traite avec eux en limitant sa responsabilité à une somme déterminée, dans l’espèce, au montant des actions souscrites[3].

  1. Depuis un an un certain nombre de banquiers particuliers se sont mis à publier régulièrement leurs bilans, précisément pour faire cesser cette infériorité vis-à-vis des Joint stock banks. Cette pratique se généralisera sans doute de plus en plus. V. The Economist, 19 décembre 1891.
  2. Au 31 mars 1890, il y avait, dans les Indes anglaises, 895 Joint stock companies avec un capital payé de 22.998.000 liv. st. The Economist, 13 décembre 1890.
  3. Dans le prêt à la grosse aventure, le prêteur n’a pour gage que les effets (navire ou chargement) sur lesquels le prêt a été fait (art. 324 du Code de commerce).