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Le titre au porteur n’offre pas d’inconvénients, si le capital qu’il représente est complètement versé. Mais le titre au porteur avec des versements à faire pour la moitié, comme la loi française l’admet, est un non-sens. Cette réserve faite, les critiques qu’on a dirigées contre le titre au porteur ne sont pas fondées. Une action nominative complètement libérée n’impose pas plus de responsabilité à son propriétaire que le titre au porteur. D’ailleurs, toutes les tentatives législatives qu’on pourrait faire pour l’interdire seraient neutralisées par le transfert en blanc du titre nominatif. En 1716, un édit royal avait défendu les effets de commerce au porteur ; dès le 21 janvier 1721, l’usage en avait dû être autorisé de nouveau, car on ne peut pas, pour parer à quelques abus, supprimer toute la commodité des affaires.

Toutes les opérations de bourse qui présentent des dangers au point de vue de la spéculation, reports, ventes à terme, ventes à l’émission, marchés à primes, sont possibles sur des titres nominatifs comme sur des titres au porteur et elles peuvent même donner lieu à des abus plus grands encore[1].

IV. — La société anonyme consiste essentiellement en la constitution d’un corps moral, dans lequel le capital, divisé en parts uniformes ou actions, est seul responsable des engagements sociaux. Les actionnaires ne sont tenus que du montant de leurs actions. Il en est de même des directeurs et administrateurs : ils ne sont responsables personnellement et in infinitum qu’en cas de dol ou de faute personnelle lourde.

L’érudition peut retrouver quelques institutions analogues au moyen âge ; en réalité, c’est au seizième siècle que la société anonyme par actions s’est constituée en Italie, pour

  1. L’Union générale n’a jamais eu que des actions nominatives. Quand son directeur la lança dans un jeu insensé sur ses propres actions, il essaya à plusieurs reprises d’étrangler le découvert en retardant les opérations de transfert des actions. Les conséquences de la catastrophe furent d’autant plus graves que tous les acheteurs successifs de ces titres se sont trouvés responsables des versements non effectués. C’est donc à tort que l’article Bœrse, dans le Staatslexikon de la Gœrresgesellschaft (Herder, Freiburg), soutient que le titre au porteur favorise particulièrement l’agiotage.