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plus illustres familles et amené des grèves ouvrières redoutables par la brusque suspension des travaux. L’énorme accroissement de la dette hypothécaire depuis quatre ans[1], les vastes quartiers inhabités et inachevés qui s’élèvent sur la rive droite du Tibre, demeurent le lamentable témoignage du mal que peut faire l’agiotage, s’associant à de la mauvaise politique.

En France, il y a actuellement une demi-douzaine de sociétés foncières fondées, au moment de la grande spéculation sur les terrains, par le Crédit foncier ou par les grandes sociétés financières. Les principales sont la Rente foncière, les Immeubles de France, la Compagnie foncière de France, la Foncière lyonnaise, création du Crédit Lyonnais[2]. Ces sociétés-là achètent des immeubles avec le produit d’émissions d’obligations, ou de prêts que leur consent le Crédit foncier, et elles cherchent un bénéfice provisoire dans la différence entre l’intérêt servi à ces emprunts et leurs loyers[3], en attendant de pouvoir réaliser une plus-value sur leurs immeubles en les repassant à une autre société, à laquelle elles revendent généralement à crédit. Dans ce but, elles provoquent la constitution de sociétés secondaires qui opèrent seulement sur un quartier, sur une rue. Cela fait trois sociétés superposées sur la plus-value du sol ! Nous ne savons si leurs promoteurs y ont trouvé des bénéfices ; en tout cas, les actionnaires n’ont pas fait un bon placement. La plupart ne donnent pas de dividendes ; néanmoins, elles se relèvent peu à peu au fur et à mesure que la baisse du taux de l’intérêt fait hausser la valeur des immeubles et que la crise se liquide.

Ces sociétés ne se sont pas bornées à Paris, à Lyon, à

  1. Dans les quatre années 1886-1889, la moyenne annuelle des inscriptions hypothécaires sur la propriété bâtie en Italie a été de 228 millions de francs.V. Bodio, di Alcuni indici misuratori del movimento economico in Italia, p.133.
  2. En décembre 1890, la Société des immeubles de France a racheté en bloc toutes les actions de la Société immobilière de Paris, qui était une création du Crédit général français.
  3. En mars 1891, la Société des Immeubles de France possédait 141 immeubles, dont 139 à Paris. En février 1892, la Compagnie foncière de France en détient 163 dans Paris.