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dans les allégations selon lesquelles une partie des bénéfices de cette bourse de jeu, comme on l’a appelée, de ces opérations anti-statutaires, pour employer l’expression des inspecteurs des finances, est employée à augmenter les fonds secrets. C’est rue des Capucines que serait la caisse noire de la République. Les sommes considérables portées dans les bilans sous la rubrique énigmatique de correspondants, les mensualités distribuées à la presse depuis de longues années sans pièces justificatives (chap. v, § 8), autorisent trop ces allégations. Nous n’avons pas davantage à examiner si la comptabilité du Crédit foncier est irréprochable, et si la prospérité, sur laquelle est basée l’énorme plus-value de ses actions, est aussi solide qu’elle le paraît[1]. Ce serait nous écarter de l’objet spécial de ce chapitre. Nous constatons seulement : — 1° que, malgré sa constitution en monopole public, ou plutôt à cause de cela, le Crédit foncier de France est devenu, contrairement au but de son institution, une des grandes sociétés financières dont l’action à la Bourse et sur le marché des capitaux donne lieu à bien des critiques ; — 2° qu’il rend au gouvernement les services occultes auxquels heureusement la Banque de France s’est toujours refusée.

XII. — Le danger des banques, qui exploitent les opérations de crédit foncier, est de pousser à l’abus du crédit pour étendre leurs affaires et faire hausser leurs actions. C’est le reproche qu’on fait, on l’a vu, à beaucoup de mortgage companies américaines. Cette déviation de leur action légitime se produit surtout dans les opérations sur les terrains urbains : le rapide accroissement des villes leur donne une plus-value que la spéculation prétend réaliser en quelques années et même escompter.

Dans les grandes villes américaines[2] et européennes se sont constituées des sociétés immobilières, qui se procuraient sous

  1. V. le Crédit foncier de France jugé par lui-même, 1878-1890, par Emile Robert-Coutelle (Savine, 1890).
  2. Au Canada Montréal en 1878, Winnipeg en 1882 ont connu des crises immobilières aussi dures que celle de Rome en 1888, et l’on pourrait citer l’histoire semblable de bien d’autres villes américaines.