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été d’assurer aux emprunteurs les avantages qu’ils trouvent à l’étranger dans les sociétés mutuelles, avec, en plus, l’économie d’une gestion centralisée et censée surveillée par l’État ; mais l’expérience a prouvé que le monopole, quelles que soient ses promesses, est presque toujours corrupteur.

Le Crédit foncier de France, sous ses administrateurs successifs, s’est préoccupé moins du but pour lequel il était institué que des avantages particuliers de ses actionnaires et du personnel financier groupé autour de sa direction. Il a maintenu, surtout depuis quinze ans, le taux d’intérêt de ses prêts de beaucoup au-dessus du prix auquel lui-même plaçait ses obligations, violant même en cela ses statuts[1]. Ses actions, émises à 500 francs, ont été poussées jusqu’à 1.700 fr. et valent encore, en 1892, plus de 1.200 fr. Dans le cercle de ses opérations normales statutaires, qui sont les prêts hypothécaires, il s’est surtout occupé de favoriser la transformation des villes et la spéculation sur les terrains. C’est pour cela que, contrairement à tous les principes économiques, il a prolongé la durée de ses prêts jusqu’à soixante et soixante-quinze ans. Sous l’Empire, il a créé le Sous-Comptoir des entrepreneurs, qui n’est qu’une annexe au moyen de laquelle il emploie ses fonds disponibles à escompter le papier des entrepreneurs parisiens. A partir de 1879, il a favorisé la fondation de sociétés de spéculations immobilières à Paris, à Lyon, à Nice, et sur les stations du littoral, et il a soutenu leurs opérations par des faveurs de toute sorte, notamment par un taux d’intérêt très inférieur à celui exigé des particuliers. Voici sur ce point le rapport de M. l’inspecteur général des Finances Machart, du 20 juin 1890 :

Je citerai en premier lieu la Rente foncière. Cette société a été créée dans le but d’acheter, à Paris, des maisons sur lesquelles elle emprunte par hypothèque. Elle bénéficie de la différence entre les

  1. Art. 58 des statuts : « Le taux d’intérêt des sommes prêtées sera fixé par le Conseil d’administration et ne pourra dépasser de plus de 0,60 p. 100 le taux de revient des obligations en émission au moment de la fixation du taux de l’intérêt des prêts. »