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Ils montrent l’importance du capital, même là où les dons naturels sont les plus abondants et où la terre n’a qu’un prix nominal. Peut-être, autrefois, étaient-ils moins sensibles, parce que les settlements se faisaient davantage avec les forces combinées de la famille[1]. En tout cas, l’occupation des territoires nouveaux était bien moins rapide. La hâte moderne exige davantage d’argent et le paie naturellement : money is time, peut-on dire en renversant le dicton anglais.

X. — Acheter des terres ou des terrains urbains, lorsqu’on prévoit qu’avec le cours du temps ils prendront plus de valeur, et les revendre avec bénéfice, quand cette éventualité se réalise, est une spéculation parfaitement légitime ; mais convient-il au législateur de favoriser par des moyens artificiels un changement de mains fréquent et rapide de la propriété territoriale, semblable à celui qui se produit sur les valeurs mobilières ?

Plusieurs raisons s’y opposent :

1° L’union de la famille rurale au sol, la possession permanente du foyer domestique sont des conditions de paix sociale et de continuité du travail agricole qu’il faut se garder de sacrifier légèrement à la formule classique : the right man in the right place ;

2° Les transmissions multipliées des terres, l’organisation d’un commerce véritable sur les immeubles tendent à en hausser la valeur, — au moins jusqu’au jour où une crise ramène à la réalité des choses, — et en attendant les loyers et la production agricole sont chargés d’un poids mort inutile ;

3° Enfin la possession d’une maison ou d’un domaine déterminé

  1. L’emploi du régime seigneurial au xviie siècle pour la colonisation de certaines parties de l’Amérique rejetait sur les seigneurs la plupart des frais de premier établissement, qui pèsent aujourd’hui sur le colon libre et isolé. L’hypothèque ne montait pas en croupe avec lui, comme aujourd’hui ; mais il était soumis à perpétuité à une rente foncière. L’esprit moderne n’a plus voulu de cette perpétuité. V. une Colonie féodale en Amérique, par M. Rameau de Saint-Père (2e édit., Plon) et les nombreux travaux de la John Hopkins University sur les manoirs du New-York, du New-Jersey, du Maryland, que nous avons résumés dans la Réforme sociale des 1er janvier 1888 et 1 er janvier 1889.