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s’élevaient au chiffre de 98 millions de dollars. Dans le New-Jersey, 5.304 emprunteurs, membres des building societies, étaient inscrits sur les livres hypothécaires pour 14 millions de dollars[1].

S’il y a eu un développement exagéré du crédit hypothécaire, la faute en est aux compagnies de crédit foncier. Les bénéfices considérables qu’elles ont réalisés jusqu’en 1885 leur ont fait étendre imprudemment leurs opérations. Des agents, pour toucher une commission, ont offert de l’argent aux farmers pour une valeur égale, parfois supérieure à celle de leurs propriétés. Après les mauvaises récoltes de 1887 et de 1888, la terre a baissé brusquement de valeur dans beaucoup de comtés et les mortgage companies ont fait des pertes considérables. En effet, bien des farmers ont trouvé très simple de leur abandonner leurs terres pour aller recommencer un peu plus loin, sans prendre souci de leurs anciennes dettes. C’est une opération semblable à celle du négociant qui fait faillite, voire de l’assuré qui met le feu à sa maison.

On aura une idée de l’extrême mobilité de la population dans cette région par ce fait que le Kansas, de 1888 à 1889, a perdu 53.638 habitants à la suite des sécheresses qui ont détruit la récolte dans une partie de son territoire. Les hypothèques auront forcément diminué dans les années suivantes ; car, ainsi que le fait remarquer un statisticien éminent, M. James Bishop, aux États-Unis, à la différence de la vieille Europe, c’est surtout pendant les périodes de prospérité que les hypothèques se multiplient ; elles diminuent rapidement dès que l’on entre dans une période de dépression.

D’une discussion engagée dans l’Economist de Londres[2],

  1. M. Bolles, cité par l’Economiste français du 28 mars 1891, et Report of the statistics of Labor of New Jersey for 1889, p. 310.
  2. The Economist, 6, 13, 27 juillet, 31 août 1889. D’après M. Ruhland (Zeitschrift fur die gesammte Wissenschaft de Tubingen, 1890, 3e fascicule), il est difficile d’avoir une vue d’ensemble, à cause de l’imperfection, des statistiques : il ne faut pas généraliser les faits relatifs à certains États. Cependant on peut dire d’une manière générale que les farmers empruntent avec légèreté et souvent sans grande nécessité. Il est très facile d’obtenir du crédit sur hypothèque à un taux élevé ; mais les sommes prêtées sont relativement petites (de 500 à 1.000, dollars), et pour un délai relativement court (2 ou 3 ans) ; or, le rendement du sol est tel que souvent le débiteur se libère en deux ou trois ans, si la récolte a été satisfaisante.