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ont entraîné naturellement beaucoup d’hypothèques ; puis bien des farmers, après s’être enrichis dans la culture, vendent leur domaine à des immigrants européens qui empruntent pour les acheter ou les cultiver. Eux-mêmes, une fois ce bénéfice réalisé, se retirent à la ville, deviennent entrepreneurs ou commerçants. Leurs fils font de même ou vont dans le New West. C’est ainsi que le Michigan, entre 1880 et 1884, avait vu une partie notable de sa population agricole l’abandonner pour aller s’établir dans le Dakota et profiter des beaux homesteads qu’on y trouvait alors.

Là, la société est encore moins assise, s’il est possible. Si ces nouveaux territoires s’étaient développés suivant les pratiques qui ont présidé à la colonisation de la vallée de l’Ohio au commencement de ce siècle, il leur aurait fallu quarante ans pour accomplir les progrès qu’ils ont réalisés en dix ans. Le Dakota a 75 pour 100 de ses fermes hypothéquées ; mais en 1880 il produisait 2.830.289 boisseaux de blé et en 1887 il en a produit 62.553.449 ! Évidemment, ce n’est pas avec les dollars apportés par les immigrants dans leurs poches qu’une œuvre aussi considérable a pu être accomplie ; elle est due aux capitalistes étrangers, aux sociétés de crédit foncier, qui se sont constituées dans l’Est pour placer leurs fonds dans l’Ouest sur hypothèque. Quelque dangereux qu’ait pu être le recours au crédit pour quelques particuliers, dans l’ensemble, il a été bienfaisant[1].

La multiplication des building and loan associations (chap. i, § 12) entraîne forcément la multiplication des hypothèques, et il faut tenir compte des 6.000 sociétés de ce genre qui fonctionnaient, en 1890, dans l’Union américaine. Or, ces hypothèques-là ne sont pas des dettes passives, mais de la richesse en formation. En Pennsylvanie, les hypothèques résultant du fonctionnement de ces utiles sociétés

  1. Ce sont moins les emprunts hypothécaires avec leur taux de 8 à 12 pour cent par an qui sont ruineux pour les petits farmers que le recours au crédit sur billets à court terme. Les banquiers dans l’Extrême-Ouest le leur font payer parfois jusqu’à 2 pour 100 par mois. Il faut dire que leurs risques sont considérables.