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Dans tous ces pays cependant les populations rurales sont assez éclairées et prévoyantes pour pouvoir se défendre contre les artifices de l’usure. Encore une fois, il faudrait pour chaque nation étudier spécialement l’ensemble des causes économiques et sociales qui ont amené ce résultat.

Pour toutes, néanmoins, on doit reconnaître : — 1° les améliorations foncières, constructions, plantations, faites au moyen de fonds empruntés ; — 2° la baisse de la valeur des terres, qui s’est produite par suite de la crise agricole et a rendu proportionnellement beaucoup plus onéreux le poids des dettes anciennes ; — 3° un luxe relatif résultant d’un changement général dans les habitudes, qui a pénétré les populations rurales comme les autres, et a rompu dans beaucoup de familles l’équilibre entre les revenus et les dépenses ; — 4° le partage égal des successions, qui a augmenté les soultes successorales à payer par l’héritier amené à se charger de l’intégralité d’un domaine rural. Cette cause a été très sensible en Allemagne, où l’on n’a pas essayé, comme dans certains départements de la France, de la prévenir par la limitation de la fécondité des mariages. M. Sbrojavacca estime en outre qu’il faut tenir compte de la facilité plus grande d’emprunter sur hypothèques, qui existe dans les législations germaniques.

En Italie, il faut ajouter à toutes ces causes le poids accablant des impôts, qui est tel que des milliers de paysans propriétaires sont, chaque année, expropriés par le fisc. Beaucoup empruntent évidemment pour reculer cette catastrophe finale[1].

Cette situation comporte des remèdes divers selon les pays. Elle n’est pas assez grave pour faire condamner en bloc dans l’Europe occidentale le libre commerce de la terre et l’usage du crédit. Elle commande seulement des tempéraments et certaines réformes que nous indiquerons plus loin (§13).

IX. — Aux États-Unis, on a été frappé aussi, dans ces dernières années, de l’augmentation des dettes hypothécaires

  1. V. les chiffres cités dans le remarquable ouvrage de M. Giulio Bianchi, la Proprietà fondiaria e le classi rurali nel medio evo e nella età moderna (Pisa, 1891), p. 195.