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du crédit est restée pour elle rudimentaire. Depuis une vingtaine d’années, on se plaint, dans bien des pays de l’Europe et même en Amérique, de l’accroissement de la dette hypothécaire. Les statistiques en pareille matière sont fort imparfaites ; mais, en lisant les rapports des différentes sociétés de crédit foncier, on est frappé de l’augmentation graduelle de leur domaine par suite des expropriations dans lesquelles elles doivent se porter elles-mêmes adjudicataires. Un économiste allemand, M. Rudolf Meyer, a eu le mérite de signaler ces faits avec la passion, qui seule réussit à appeler sur une thèse l’attention du public.

Ces faits doivent être discutés de près ; car la dette hypothécaire a des causes diverses selon les pays.

Dans toute l’Europe orientale, en Hongrie, en Roumanie, en Pologne, en Algérie, en Égypte[1], dans l’Inde Anglaise[2], la liberté économique a été introduite chez des populations rurales qui y étaient mal préparées. La libre disposition de la terre d’une part, la liberté donnée aux Juifs et aux usuriers de toute race, de l’autre, a amené l’expropriation du paysan ou son asservissement, en sorte que le retour aux institutions protectrices du passé semble s’imposer.

Dans l’Europe occidentale, les recherches de M. Sbrojavacca font ressortir, — avec de grandes réserves, bien entendu, — le rapport existant entre les charges hypothécaires de la propriété rurale et sa valeur vénale à 13 p. 100 en France, à 14 p. 100 en Italie, à 20 p. 100 en Hollande, à 25 p. 100 en Autriche, à 30 p. 100 en Allemagne et à 40 p. 100 en Irlande[3].

  1. En dix années (1880-1890), le Crédit foncier Égyptien a fait 2.141 prêts pour une somme totale de 94.262.155 francs, sur lesquels, au 31 décembre 1890, 31.175.479 francs avaient été remboursés par expropriation, dation en paiement ou remboursement anticipé. L’accroissement constant des arrérages non payés et du domaine immobilier de cette société (au 31 octobre 1890, elle restait en possession d’immeubles pour une valeur de 12.122.181 francs) est significatif.
  2. V. sur l’Inde notre article dans le Correspondant du 25 avril 1889.
  3. Sul valore della proprietà fondiaria rustica, dans le Bulletin de L’institut international de statistique, tome 1er (Rome, 1886), pp. 177 et suiv. Depuis lors, la proportion de la dette hypothécaire en Italie s’est sensiblement élevée par suite de la crise économique que ce pays traverse. (V. Bodio, Di alcuni indici misuratori del movimento economico, p. 132).