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par la protection douanière à soutenir cette valeur artificielle !

VII. — La question se pose encore à un autre point de vue. La propriété foncière n’est-elle pas destinée à être périodiquement absorbée par la puissance de l’argent, partout où existe la liberté d’aliéner la terre et où le principe de l’intérêt est reconnu ?

Le capital mobile représenté sous la forme d’argent et engagé comme prêt à intérêt échappe à la dépréciation qui menace les capitaux engagés sous la forme d’outillages, de constructions, et cette dépréciation est le grand obstacle à la multiplication fantastique du capital par le jeu de l’intérêt composé (chapitre iii, § 5). Les garanties hypothécaires, ordinairement attachées à un prêt d’argent, le mettent à l’abri des chances de faillite du débiteur qui détruisent si souvent les capitaux placés dans les entreprises industrielles et commerciales comme actions, obligations, commandites, ouvertures de crédit, acceptations d’effets de commerce. Les intérêts sont même couverts par l’hypothèque pendant deux ans, et quand ils ne sont pas payés, ils s’ajoutent au principal, sinon de plein droit, tout au moins en vertu de conventions spéciales ex post facto. Le jeu de l’anatocisme est simplement modéré par l’article 1154 du Code. Or, il y a beaucoup de chances pour que ces intérêts ne soient pas payés, si leur taux dépasse la productivité des capitaux engagés dans l’agriculture ou les constructions. A-t-on emprunté par exemple cent mille francs à 6 p. 100, soit 6.000 francs par an d’intérêts, si le capital ainsi obtenu ne rend que le 4 p. 100, soit 4.000 francs, la ruine du débiteur n’est qu’une affaire de temps. Nous prenons là l’exemple d’un crédit fait à la production. En fait, beaucoup de crédits hypothécaires sont faits à des propriétaires pour couvrir des dépenses de luxe ou de nécessité : la ruine est fatale pour eux, comme pour tous ceux qui dépensent au delà de leur revenu ; mais elle l’est aussi dans le cas du producteur que nous avons cité, et, lui, mérite d’être plaint !

L’emprunt avec intérêts offre donc des dangers très