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de rapport dans les villes, qui il y a trente ans se vendaient sur le pied de 15 à 18 fois leur revenu, tendent à se vendre entre 20 et 22 1/2.

Cette hausse constante du coefficient de capitalisation est une manifestation de la baisse générale du taux de l’intérêt. On le voit bien en ce moment en France : malgré le désarroi de l’agriculture, depuis trois ans le prix des terres remonte un peu et celui des maisons s’élève constamment par le fait de la hausse de la rente 3 p. 100, qui semble définitivement acquise et tend à la rapprocher des consolidés anglais.

Les propriétaires, — et le fisc, — sont satisfaits de cette hausse de la valeur en numéraire des immeubles, parce qu’ils se placent mentalement dans l’hypothèse d’une vente. En réalité, elle n’est nullement favorable à leurs familles : elle aggrave les conséquences du partage forcé des successions[1] et tend à faire de la possession de la terre un luxe qui ne peut dans une famille durer plus d’une ou deux générations ; en sorte que là où il n’y a pas des institutions artificielles, substitutions ou droit d’aînesse, comme c’est le cas en France, les grandes familles tendent à devenir instables. La hausse du taux de capitalisation signifie, en effet, que les revenus dérivés du sol ne peuvent être obtenus qu’avec un capital de plus en plus considérable, tandis que la puissance d’acquisition du travail humain et de la capacité professionnelle ou industrielle s’élève[2].

Ici encore la dynamique économique tend à déprimer les grandes fortunes territoriales ; malheureusement, elle rend aussi plus difficile la condition des petits propriétaires cultivateurs et il y a lieu de créer pour eux des institutions destinées à préserver leurs familles d’une mobilité très fâcheuse pour la constitution sociale de la nation. Elle rend aussi plus difficile à l’agriculture des vieux pays, chargée comme d’un poids mort considérable par la valeur initiale attribuée au capital-terre, de lutter contre la concurrence des pays nouveaux et l’on cherche

  1. V. le Socialisme d’Etat et la Réforme sociale (2e édition), pp. 512 et suiv.
  2. Comparez Robert Giffen, the Growth of capital, p. 124.