Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/151

Cette page n’a pas encore été corrigée

VI. — Nous venons de voir à l’œuvre la loi de dépréciation des capitaux anciennement engagés dans le pays où l’on se serait le moins attendu à la voir se produire. Il faut maintenant, là où nous constatons une plus-value dans le prix du sol, se rendre compte de ses causes. Elles peuvent être au nombre de quatre. Les trois premières, déjà indiquées dans les §§ précédents, sont : — 1° la diminution du pouvoir de l’argent ; si, depuis 1790, par exemple, elle a été de 150 p. 100, une hausse d’une fois et demie dans la valeur de la propriété ne fait que remettre les choses au même point ; — 2° les constructions et améliorations foncières, qui ont été considérables en ce siècle ; — 3° le prix plus élevé obtenu sur les marchés par les produits agricoles et la hausse des locations résultant de l’accroissement de la population ; c’est en quoi consiste le phénomène de rente à proprement parler ; — 4° enfin, et c’est sur quoi il faut maintenant arrêter notre attention, la hausse du taux de capitalisation du revenu foncier par suite de laquelle un revenu donné est multiplié par un coefficient plus élevé.

Ce coefficient varie suivant les temps. Ainsi, en Angleterre, d’après les autorités citées par M. Giffen, en 1679, on multipliait par 18 le revenu annuel des terres et par 12 celui des maisons ; en 1766, on multipliait par 22 le revenu des terres, par 12 celui des maisons ; en 1800, par 30 le revenu des terres, par 18 celui des maisons. En 1875, M. Giffen multipliait par 30 le revenu des terres ; en 1885, à cause de la crise agricole, il ne le multiplie plus que par 28 ; quant aux maisons, il multiplie aux deux dates leur revenu par 15[1].

En France, les variations du taux de capitalisation ont été considérables. Il y a un siècle, les terres se vendaient sur le pied de 20 ou 25 fois leur revenu annuel. Suivant les régions, elles se vendent aujourd’hui entre 25 et 40 fois leur revenu annuel : le chiffre de 33 peut être présenté comme la vraie moyenne, c’est-à-dire le taux le plus répandu. Les immeubles

  1. The Growth of capital, pp. 11, 75, 80, 91, 95, 96. En Irlande, à cause de la précarité de la situation de la grande propriété, le taux de la capitalisation n’est pour les terres que de 15 années de revenu annuel.