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annuellement dans la Nouvelle-Angleterre, à 2 et même à 4 pour 100 de la valeur de la propriété. Le farmer ne peut rien dissimuler au fisc, tandis que la richesse mobilière lui échappe en grande partie.

A cet abandon de la culture dans la Nouvelle-Angleterre, il y a des causes morales plus actives encore que les causes économiques. L’attachement au home, au foyer des ancêtres, est un sentiment presque inconnu aujourd’hui dans les familles rurales. Elles se dégoûtent de plus en plus de l’agriculture. Les manufactures, le commerce, avec leurs chances de gain plus rapide, les attirent de préférence ; car le yankee veut de plus en plus gagner de l’argent en spéculant au lieu de peiner de ses bras. Même les travaux de la culture deviennent odieux aux femmes. La propreté est pour elles une superstition. Nulle part la ville n’exerce plus d’attraction sur la campagne. Un certain nombre de farmers du Vermont et du New-Hampshire vont encore dans le Far-West pour y avoir un domaine plus large et plus fertile ; mais si l’on veut savoir où ils vont en masse, il faut ouvrir les recensements des États manufacturiers voisins. Dans le Massachussetts seulement, il y avait en 1885 près de 130.000 personnes nées dans le Maine, 100.000 nées dans le New-Hampshire, plus de 60.000 nées dans le Vermont. Voilà comment les États purement agricoles se dépeuplent. Dans le Connecticut, les villes et les districts manufacturiers continuent à augmenter, tandis que les comtés ruraux perdent une partie de leur population. Un fait montre combien cette cause morale est active. Les campagnes les plus reculées sont encore cultivées, parce que les familles de farmers ont moins de contact avec la ville : c’est au contraire dans la banlieue des grandes cités que se trouvent tant de fermes à vendre !

Enfin il est une cause dont les Américains ne parlent pas, mais qui est très active : c’est la stérilité systématique d’une foule de familles dans cette partie de l’Union[1].

  1. V. notre ouvrage les États-Unis contemporains (4e édit.), t. I, chap. xiii, et t. II. Document annexe K.