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des Dakotas, du Nebraska, du Minnesota et même du Pacifique. Leur blé et leurs bestiaux écrasent les agriculteurs de l’Est, qui produisent dans des conditions beaucoup plus coûteuses. Même pour les laitages, les fruits, le jardinage, les chemins de fer transportent en grande quantité les produits similaires de l’Ouest, à des prix réduits dans des wagons spécialement aménagés, de telle sorte que le fermier du Massachussetts ou du Vermont, qui a quelques milles à faire en voiture, est grevé en réalité de frais de transport plus considérables.

En second lieu, les terres de l’Est sont beaucoup moins fertiles et celles qui sont en culture depuis cent et même deux cents ans commencent à s’épuiser. Le rendement du blé dans l’État de New-York, qui était de treize bushels à l’acre il y a vingt ans, n’est plus que de dix aujourd’hui, malgré les engrais auxquels on a recours. Les hommes épuisent toujours la terre, jusqu’à ce qu’une dure expérience leur ait appris les pratiques d’une agriculture reconstituante. L’Ouest la fera à son tour ; mais on peut y faire des récoltes de céréales, pendant vingt ou cinquante ans selon la qualité des terres, sans se préoccuper de fumure ni de rotation des cultures. Cela lui donne le temps d’écraser l’agriculture de l’Est.

Les partisans du libre échange triomphent de cette situation : le système protectionniste a fait complètement faillite aux agriculteurs. Il ne peut pas empêcher la grande abondance de la production intérieure d’abaisser le prix de leurs produits, tandis qu’il a rendu très chers tous les objets manufacturés que les agriculteurs ont à acheter. Ils sont donc doublement les victimes de ce régime (chap. i, § 5)[1].

Aux États-Unis comme en Europe, c’est toujours la propriété foncière qui paye la plus large part des charges publiques. La démocratie est un gouvernement très cher. Les impôts directs perçus au profit de l’État et de la commune montent

  1. On fait observer cependant que l’élévation du prix des machines et outils causée par le tarif douanier est compensée par les progrès techniques réalisés dans la fabrication, en sorte que les farmers les payent maintenant plutôt moins cher qu’il y a quarante ans.