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Nebraska. Nous signalions ce fait, alors tout récemment constaté, dans la première édition de notre ouvrage les États-Unis contemporains, en 1877, et nous disions que quand quelques cent mille colons se seraient encore établis, l’ère des grandes prospérités et des riches dons gratuits se trouverait close. Actuellement, presque toutes les bonnes terres susceptibles d’être mises en culture à peu de frais et sans irrigation sont occupées. C’est ce qui explique la brutalité avec laquelle une dizaine de mille immigrants se sont précipités au mois de mai 1889 dans le territoire d’Oaklahoma, appartenant aux Indiens, que le Président ouvrait à la colonisation. Dans toute cette région, le petit farmer isolé a beaucoup de chances d’être écrasé, s’il n’est pas précédé par les grands éleveurs de bétail en liberté, par les compagnies de spéculateurs, qui accaparent le sol, il est vrai, pour le lui revendre de 5 à 10 dollars l’acre (65 à 125 francs l’hectare), au lieu de 1 dollar 25 (6 fr. 70) prix du gouvernement pour les terres publiques, mais qui tracent quelques routes, établissent des canaux d’irrigation, provoquent la création de bureaux de poste et de chemins de fer.

Ces compagnies ont pris une grande extension depuis une vingtaine d’années et les capitalistes anglais et hollandais ont saisi avec empressement cette occasion de se rattraper en Amérique des pertes que la crise agricole leur fait éprouver en Europe. Le Banker’s magasine publié en 1885 un tableau de 29 compagnies ou grands propriétaires étrangers qui, à eux seuls, possédaient 20.647.000 acres, soit 8.266.800 hectares[1]. On n’a pas fait le relevé des compagnies de capitalistes américains ; mais elles doivent être aussi importantes. Les rapports du Commissaire des terres publiques ont signalé les fraudes de toute sorte par lesquelles ces compagnies accroissent leurs possessions au détriment du domaine public. Nous ne les justifions assurément pas. Seulement, pour apprécier les choses dans leur ensemble, il faut tenir compte

  1. V. cette énumération reproduite dans la République américaine, par M. A. Carlier (Guillaumin, 1890), t. II, pp. 380 et suiv.