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prix d’achat. Mais à côté de ces faits, l’histoire a conservé le souvenir de quelques hommes qui, au commencement de ce siècle, ont fait fortune en allant les premiers s’établir au delà des Alleghanies et en achetant de grandes quantités de terre, de Georges Fower et de Morris Zirkbeck, deux farmers anglais, qui fondèrent le premier settlment dans l’Illinois et laissèrent à leurs descendants une grosse fortune ; de Jacob Astor, qui prévit l’immense développement de New-York ; de Peter et de Geritt Smith, qui colonisèrent la région d’Oswego, et de bien d’autres encore dans le Far-West[1].

La considération publique entourait le nom de ces hommes comme ayant frayé la route à leurs concitoyens par leur hardiesse et la sûreté de leur coup d’œil.

Deux ordres de faits ont modifié l’opinion dans ces dernières années : d’une part, la prétendue diminution de la petite propriété, de l’autre les fraudes très réelles commises par les grands spéculateurs au détriment du domaine public et par conséquent des nouvelles générations de settlers.

Sur le premier point, il y a eu une grave exagération. Le nombre des petits et des moyens propriétaires est loin de décroître aux États-Unis ; il augmente même chaque année. Mais la vérité est que dans l’Extrême-Ouest de grandes propriétés se sont formées et que l’établissement des petits cultivateurs propriétaires y est beaucoup moins facile qu’il ne l’était dans les fertiles vallées de l’Ohio et du Mississipi. La raison en est toute physique, ce qui fait que les lois sur le homestead et la preemption n’y peuvent rien. Entre le centième méridien Ouest de Greenwich et les montagnes Rocheuses, la quantité de pluie est très insuffisante ; elle est seulement de 15 à 3 pouces par an en moyenne. Beaucoup de terres sont imprégnées de salpêtre et celles qui ont un fonds riche ne peuvent être mises en culture que par l’irrigation. Dans toute une zone intermédiaire, la récolte est perdue dès que l’année est tant soit peu sèche ; c’est le cas de l’ouest du Kansas et d’une partie du

  1. De Varigny, les Grandes fortunes aux États-Unis et en Angleterre, pp. 210 et suiv.