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de la concentration des grandes fortunes dans les villes[1].

La plus-value de la propriété urbaine dans les grandes villes est un fait que tout le monde peut constater. Au point de vue général, il peut bien être contrebalancé, et largement, par la dépréciation des maisons dans toutes nos villes de second et de troisième ordre. D’énormes capitaux consacrés à la construction dans les siècles précédents sont réduits à rien. Des hôtels remarquables par leur architecture y sont loués à des paysans, à des ouvriers, pour un prix qui ne permet même pas à leurs propriétaires de les entretenir. Là où la plus-value se produit, elle est due sans doute en partie à l’amélioration des conditions de l’habitation de toutes les classes, qui entraîne de grandes incorporations de capital[2] ; mais elle est due aussi à l’élévation des loyers, et, dans ce dernier cas, la richesse des uns a bien pour cause la charge imposée aux autres. Il n’y a toutefois à cela aucune injustice ; car, le nombre des gens qui veulent vivre dans les capitales dépassant celui des logements, le seul moyen d’arriver à l’équilibre est de les attribuer à ceux qui en offrent le meilleur prix[3]. Pour les ouvriers, cette charge est d’ailleurs en partie compensée par l’élévation des salaires. Il n’en reste pas moins vrai qu’un des points faibles de la civilisation du dix-neuvième siècle est la concentration inouïe jusque-là des populations dans les villes. Il faut remonter de vingt siècles en arrière, jusqu’à Babylone, à Alexandrie, à Rome, pour retrouver une pareille prédominance de la vie urbaine. De toutes les complications

  1. Dans la Nouvelle-Angleterre, de vastes parcs à daims exploités par des compagnies de chasseurs sont fondés dans les parties montagneuses du pays et s’étendent là où il y avait autrefois des fermes ; mais les agriculteurs les avaient abandonnés spontanément (§ 5) : on n’a pas au moins évincé des tenanciers comme en Écosse.
  2. Il ne faut pas par conséquent attribuer au phénomène de rente la totalité de l’accroissement de valeur de la propriété bâtie : dans le Royaume-Uni, en 1865, 1.031.000.000 l. st., en 1885 1.927.000.000 liv. st. (Robert Giffen. op. cit., p.lll) ; en France : en 1851, 20.047.000.000 fr., en 1889, 49.321.000.000 fr. (De Foville, dans l’Economiste français du l3 novembre 1890.)
  3. Il faut tenir compte de ce que la propriété bâtie dans les villes en voie de développement change très rapidement de mains, en sorte que cette plus-value est loin de se retrouver tout entière dans les mains des propriétaires actuels. Elle est entrée dans la circulation générale des valeurs. Combien peu de maisons, à Paris, appartiennent depuis un siècle à la même famille !