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a fait baisser la valeur vénale des terres de 20 à 33 pour 100, suivant les localités. Dans la Grande-Bretagne, les terres, qui en 1865 valaient 1.864 millions de liv. et qui étaient montées en 1875 à 2.007 millions de liv. d’après les évaluations de l’income tax, étaient en 1885 redescendues à 1.691 millions de liv. et dans les cinq années suivantes elles ont encore baissé[1]. C’est une des manifestations les plus accentuées qu’on ait jamais vues de la loi de dépréciation des capitaux anciennement engagés. En réalité, la propriété rurale subit plus directement qu’aucune autre le contrecoup de tous les phénomènes généraux qui soulèvent ou abaissent la fortune du pays. Actuellement, le revenu des terres en France, comme dans toute l’Europe, est dans l’ensemble fort au-dessous de l’intérêt normal des capitaux qui y ont été irrévocablement engagés comme constructions, défrichements, amendements, routes, depuis deux siècles, pour ne pas remonter plus haut.

Il est néanmoins une plus-value du revenu des terres qui se produit autour des grands centres, c’est celle des locations pour la chasse. Dans la Seine-et-Marne, par exemple, la location des terrains boisés est de 18 fr. 61 à l’hectare et de 8 fr. 70 pour les terrains en plaine, soit en moyenne 9 fr. 80, ce qui constitue un rapport de 12 p. 100 avec le prix de location pour la culture. Dès qu’on s’écarte de Paris et des grandes villes, comme Lyon ou Lille, ce produit-là diminue rapidement : dans l’Orne il n’est plus que de 1 fr. 64 à l’hectare, soit 1 p. 100 du prix de location pour la culture[2]. Nous n’avons pas pour la Grande-Bretagne de relevés semblables ; toutefois, l’on sait que la valeur attribuée aux high lands d’Écosse comme terrains de chasse a eu souvent pour résultat d’en faire disparaître la culture (chap. i, § 2). Si ce fait se généralisait, il deviendrait vraiment dommageable à la chose publique. C’est une des conséquences inattendues

  1. Robert Giffen, the Growth of capital, pp. 13, 14, 111.
  2. V., dans le Bulletin de statistique du Ministère des finances, 1890, t. II, p. 207, le prix des locations des chasses dans Seine-et-Marne, Seine-et-Oise, le Nord, la Côte-d’Or, l’Oise, la Marne, la Somme, les Ardennes, l’Orne.