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Finances de Russie en use, il fait l’abondance ou la disette aux bourses de Londres et de Berlin. Le refus des Rothschild, en mai 1891, de procéder à une conversion des fonds russes eut pour résultat de faire retirer par le gouvernement russe une partie des fonds qu’il avait à Londres et amena un brusque revirement dans Lombard Street[1].

XIII. — Par cette communication, tous les marchés, toutes les bourses subissent le contre-coup des fautes et des folies de l’une d’elles[2] : mais aussi les ruines absolues sont évitées et dans les circonstances très critiques, par exemple en 1815 et en 1871, toutes les places du monde sont engagées à se soutenir pour ne pas être entraînées par l’effondrement définitif de l’une d’elles. Depuis que le nombre des centres financiers a augmenté, que New-York, Berlin et Vienne se sont élevés à côté de Londres et de Paris (chap. xii, § 9), il semble que les crises soient moins redoutables. Si une place est ébranlée, elle trouve plus facilement du secours et l’équilibre se rétablit plus promptement.

Les grands établissements financiers, les banques d’État des différents pays, se soutiennent en effet en pareil cas par un sentiment de self protection bien entendu.

Un exemple frappant de cette solidarité a été donné en novembre 1890, à un moment où la place de Londres était fort compromise. La Banque de France a prêté 75 millions de fr. en or pour trois mois à la Banque d’Angleterre au taux très modéré de 3 pour 100 l’an, sur dépôt de bons de l’Échiquier anglais. C’est moins la perspective d’un bénéfice à faire sur son encaisse, improductif sans cela, qui a poussé la Banque à donner ce secours à la place de Londres, que le désir d’éviter à la place de Paris le contre-coup du krach amené à Londres par la mise en liquidation de la fameuse maison

  1. The Economist, 18 avril et 16 mai 1891.
  2. La solidarité des marchés financiers s’étend aujourd’hui jusqu’aux antipodes. A la fin de 1891, les achats de blé et de coton que l’Angleterre est obligée de faire aux États-Unis coïncidant avec les embarras de la place de Londres causés par les pertes de l’épargne anglaise dans l’Amérique du Sud, les banquiers de Londres ont dû user de toutes leurs ressources pour faire