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République argentine, qui ont des mines d’argent, ont besoin de capitaux et particulièrement de numéraire, ils sont obligés de venir placer leurs emprunts à Londres ou à Paris. Là ils trouvent des prêteurs à peu près toujours disposés, pourvu que les conditions offertes soient bonnes. Une partie seulement du capital emprunté est exporté dans ces pays ; car étant déjà débiteurs des places qui leur ont prêté, le montant de l’emprunt se compense jusqu’à due concurrence avec leurs anciennes dettes. Quant au solde plus ou moins considérable en numéraire qu’ils emportent, ce n’est guère qu’une saignée momentanée. Chaque année, en effet, ils ont des remises à faire à Londres, à Paris, à Berlin, pour le paiement des coupons d’intérêts, ce qui augmente encore la prédominance financière de ces places et reconstitue leur stock métallique au bout d’un temps assez court[1]. Seuls les pays qui, comme les États-Unis, ont la fortune de fournir à l’Europe une matière première telle que le coton, un produit alimentaire tel que le blé, se libèrent en marchandises au lieu de numéraire et fortifient leur situation monétaire.

Quelque importante relativement que soit la quantité d’or détenue par les grandes places financières, elle est cependant peu considérable d’une manière absolue, surtout si l’on songe à tous les besoins qu’elle doit satisfaire, à tous les services d’échange qu’elle doit accomplir.

D’après les évaluations de statisticiens expérimentés, comme MM. Horatio Burchard, Otto Haupt, H. Sœtbeer, il n’y aurait eu en 1885, dans le monde entier, qu’à peu près 17 milliards et demi d’or monnayé. L’Angleterre en détiendrait 3 milliards environ, la France 4 milliards et demi, l’Allemagne 2 milliards, la Belgique plus d’un demi-milliard. Comme les États-Unis en absorbent plus de trois milliards, on voit quelle faible

  1. Le résultat des crises financières du Portugal, de l’Espagne, de l’Amérique du Sud en 1891 a été d’augmenter les réserves d’or des principales banques nationales, notamment à Paris, à Londres, à Berlin. Au 31 octobre 1891, elles montaient à 7.663 millions de francs au lieu de 6.914 millions de francs au 31 octobre 1890. V. un tableau détaillé dressé par M. O. Haupt et repro­duit dans le Journal des économistes de janvier 1892, p. 15.