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occidentaux contemporains. Le reproche adressé au capital d’être cosmopolite méconnaît donc un des plus beaux aspects du plan de la création, qui a rendu tous les hommes solidaires malgré leur division en nations autonomes. Bossuet a embrassé de son coup d’œil d’aigle tout l’ordre économique, quand, dans ses Pensées chrétiennes et morales, il voit dans la monnaie le signe de l’unité de la société humaine.

La société consiste dans les services mutuels que se rendent les particuliers, c’est pourquoi elle se lie par la communication et permutation, et tout cela est né du besoin… il a fallu faire une mesure commune et, cela, les hommes l’on fait par l’estimation… Et afin que cela fût plus commode, d’autant qu’il semblait extrêmement difficile d’égaler ces choses de si différente nature, on a introduit l’usage de l’argent.

En vain les princes s’imaginaient-ils autrefois qu’en marquant la monnaie de leur nom ils feraient de l’argent une chose soumise à leur bon plaisir, qu’ils pourraient à volonté régir sa puissance d’acquisition ou déterminer les profits du capital. Dès qu’au moyen âge les hommes furent sortis de l’isolement et de la pauvreté où les invasions des barbares les avaient jetés, les forces latentes de l’ordre économique reprirent le dessus et la Finance, pour l’appeler par son nom, apparut comme un de ses organes nécessaires. Les Templiers, dès la fin du douzième siècle, firent pour le compte du Pape, des rois de France et d’Angleterre, des grands seigneurs et aussi de simples bourgeois, les transports d’argent, recettes et paiements, nécessités par les affaires de ce temps, particulièrement par les Croisades, et leurs services n’étaient pas désintéressés[1].

Les Vénitiens leur succédèrent dans ce rôle, et la dépendance financière dans laquelle ils tenaient les princes de l’Europe leur permit de détourner à leur profit particulier la quatrième croisade. A la même époque, les Papes employaient, pour recueillir les droits dus à la curie romaine, en

  1. Voy. Léopold Delisle, Mémoire sur les opérations financières des Templiers (1889), pp. 87 et 246.