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de la monnaie métallique et le perfectionnement du mécanisme de l’échange[1].

VIII. — Chez les peuples modernes, la monnaie ne consiste pas seulement dans les espèces d’or et d’argent, mais aussi dans l’ensemble des moyens de paiement qui constituent la circulation fiduciaire. On comprend sous cette expression les billets de banque et les billets d’état de diverses sortes pour la partie qui dépasse l’encaisse métallique, les lettres de change et effets de commerce circulant entre négociants, et enfin les crédits en banque, qui correspondent au pouvoir que des services rendus ou des ventes de marchandises donnent aux producteurs d’en exiger l’équivalent sur le marché général ; les banquiers tiennent à jour ces crédits et ces engagements réciproques par des virements de partie et des opérations de compensation (clearing). Ces éléments de l’argent, du capital mobile, comme on voudra l’appeler, sont beaucoup plus considérables que les métaux précieux.

En 1882, d’après M. Burchard et M. Stringher, il y avait en circulation, dans le monde civilisé, pour 31 milliards de francs d’or et d’argent, et pour 20 milliards environ de billets de banque et de billets d’État. Quant aux lettres de change et billets à ordre, qui sont la monnaie spéciale au monde commercial, Victor Bonnet, à la même époque, estimait la valeur des effets de commerce constamment en circulation à 15 milliards de francs pour l’Angleterre et à 10 milliards pour la France ; or, la France avait 7.656 millions de monnaie métallique et 500

  1. Les opérations de compensation étaient remarquablement pratiquées dès le xvie siècle aux foires de Lyon et de Besançon (ces dernières transportées à Novi, dans l’Etat de Gênes). V. Endemann, Studien in der Romanisch Kanonistichen Lehre, t I, pp. 158-159. Elles l’étaient du reste déjà antérieurement à Barcelone dès le commencement du xive siècle et dans les places italiennes grâce à l’établissement des banques de paiement (Banco del Giro) de Venise, de Gênes, de Milan. V. notre étude le Crédit populaire et les banques en Italie, du xve au xviiie siècle. La chambre de compensation, érigée à Lyon sous le nom des quatre payements correspondant aux foires, et dont Savary et Boisguillebert disaient que « les négociants y payaient en quelques heures des millions de livres, sans débourser un sol », a duré jusqu’en 1793, et a vraisemblablement servi de modèle au Clearing House de Londres, créé en 1775. V. le règlement du 2 juin 1667 qui décrit son fonctionnement, dans le Banquier français ou la pratique des lettres de change (Paris, 1724).