Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée

faible ; car la tendance de la nature humaine est beaucoup plus dans le sens de l’augmentation des jouissances personnelles que dans celui de l’épargne au profit des générations futures.

Deuxièmement, un grand nombre de capitaux périssent dans les opérations de la production. La faillite du débiteur atteint en fait le créancier comme le commanditaire. C’est une opinion courante dans le monde des affaires que le tiers des entreprises industrielles consume son capital, qu’un autre tiers couvre à peine ses frais, que seul le dernier tiers donne des bénéfices. Dans les grandes calamités, guerres, épidémies, révolutions, qui se produisent toujours de temps à autre, la proportion des capitaux qui périssent devient encore plus forte.

Troisièmement, la multiplication même des capitaux a pour résultat d’abaisser leur intérêt et par conséquent de rendre moins lourd le poids des dettes (chap. xiii, § 3). Une dette de 100.000 fr. à 5 p. 100 n’est pas plus pesante qu’une dette de 50.000 fr. à 10 p. 100. L’État, en ce qui le touche, là où les remboursements prévus n’éteignent pas les dettes anciennes, réduit constamment à l’intérêt actuel les droits de ses créanciers[1] par le mécanisme des conversions, (chap. x, § 8). Après les grands changements dans le taux de l’intérêt, qui s’opérèrent à la fin du xvie siècle, la souveraineté réduisit partout par voie d’autorité les rentes perpétuelles constituées à des taux qui n’étaient plus en rapport avec l’état des faits.

Enfin tous les capitaux engagés sous la dénomination monétaire subissent une diminution inévitable par suite de la dépréciation des métaux précieux. C’est là un phénomène qui s’est produit d’une manière constante depuis Charlemagne et qui s’est accéléré avec une grande énergie à deux époques : au milieu du xvie siècle, après la découverte des mines du Mexique et du Pérou, et de 1850 à 1870, après l’exploitation des

  1. Par suite des conversions successives opérées sur les Consolidés anglais, une famille, qui en 1789 jouissait d’un revenu de 6.000 livres, n’en a plus eu en 1889 que 2.750 et n’en aura plus en 1902 que 2.500.