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il prêchait l’amortissement de la propriété par le loyer.

La perpétuité indéfinie du capital a été reconnue dès que la société du moyen âge a été en possession d’accumulations importantes, c’est-à-dire dès le xiiie siècle, sous la forme des rentes constituées, nous venons de le voir (§ 4).

S’ensuit-il que les capitaux restés à l’état mobile et représentés par l’argent aillent s’accroître indéfiniment selon la formule de l’intérêt composé ?Un auteur estimable a soutenu récemment cette thèse sous une forme apocalyptique :

Un Juif, qui veut s’emparer du monde, place une somme de cent francs, à intérêt composé. Les intérêts accumulés d’année en année au 5 p. 100 produisent au bout de cent ans fois la première mise, soit 13.136 fr. 85. Si, pendant un second siècle, l’opération est continuée, on a 1.725.768 fr. 27. Au bout du 3e siècle, on a 226.711.589 fr. 65, et au bout du septième siècle le chiffre fabuleux de soixante-sept millions de milliards (67.142.687.000.000.000 fr.). Le globe entier, y compris les plaines et les déserts, les terres et les mers, a une surface de 60 milliards d’hectares, en sorte que cent francs placés à 5 p. 100 pendant 700 ans pourraient acheter la terre entière au prix d’un million l’hectare… Notre Juif, avec la froide impassibilité de son système, poussant les chiffres à l’infini, voyait déjà sa race au bout de quelques milliers d’années en état d’acheter la terre entière au poids et au prix d’un million le kilogramme et il voyait le monde asservi, courbé sous le joug du plus dur esclavage, de la servitude la plus étendue, la plus absolue qui ait jamais existé… Reste seulement à savoir si le chiffre humain fera la loi à l’ordre divin[1]

Vrais mathématiquement, ces chiffres sont absolument faux économiquement pour plusieurs raisons.

D’abord l’hypothèse qu’une société capitaliserait tout son revenu est simplement absurde. Les capitalistes emploient pour leur consommation la plus grande partie de leurs revenus et n’en capitalisent de nouveau qu’un excédent relativement

  1. L. Gorse, le Fond de la question juive. La terre ou l’argent, qui l’emportera ? (Paris, 1888, Rétaux-Bray), pp 13 à 17.