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pratique, quand, après avoir prohibé en principe de vendre plus cher à terme qu’au comptant, il ajoute : si vero aliquis de justo pretio velit diminuera ut pecuniam prius habeat, non peccat peccato usurœ[1].

C’est probablement pour s’accommoder à la doctrine canonique qu’un usage fort ancien et presque universel a établi entre commerçants le prix des principales marchandises non pas sur le paiement au comptant, mais sur un paiement à trois mois, à six mois de date. L’acheteur, s’il paie comptant, peut se faire allouer une bonification. Si l’affaire est réglée en effets de commerce, comme c’est le cas le plus fréquent, le vendeur peut s’en faire avancer le montant par un tiers, moyennant un escompte.

L’escompte commercial a été la première victoire de la théorie économique de l’intérêt[2]. Elle a été beaucoup plus tardive dans le prêt (mutuum). Ce contrat est en effet particulièrement dur pour celui qui recourt au crédit. A la différence du louage ou du commodat, l’argent ou les choses fongibles, dont la propriété lui a été transférée, est ipso facto à ses risques ; donc si l’affaire tourne mal, si le capital emprunté vient à périr, il n’en doit pas moins le restituer en entier et payer en outre l’intérêt convenu[3]. Or, si cet intérêt est élevé et si, d’autre part, les chances de perte sont considérables, cette manière de se procurer des capitaux est fort dangereuse. Loin d’avoir ruiné le commerce et l’industrie, comme le prétendait Montesquieu[4], la doctrine canonique lui a été très utile en faisant employer de préférence le contrat de commandite par le commerce et le contrat de constitution de rente par la propriété foncière. [fin page84-85]

  1. Summ. Th., 2a 2æ, quæst.78, art. 2, ad septimum. L’édition de Bar-le-Duc porte en note : « S. Alphonsus, de Lugo, Lessius, Toletus, Sanchez, Sporer existimant unicuique licitum esse suas merces carius vendere ob expectatam solutionem, dummodo rei valorem haec differentia non excedat. »
  2. V. Endemann, Studien in der Romanisch-Canonistichen Wirthschafts und Rechtslehre bis gegen Ende des sienbenzehntes Jahrhunderts (Berlin. 1883), t. II, pp. 49 à 55.
  3. S. Thomas a parfaitement indiqué cette différence entre le louage et le prêt, qui est capitale. (Sum. th., quœst. 78, art. 2, ad quintum) Il s’est montré plus exact qu’Hume et Turgot.
  4. Esprit des lois, liv. XXI, chap. xx.