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LA FOLLE.

heureuse ! ouvrir son âme à la douce chaleur comme fait la terre, et en recevoir la bienfaisante influence ! chanter tout bas un cantique à son amour, et n’être jalouse que de l’herbe des champs ! Telle fut la vie de cette pauvre folle pendant dix ans. Non pas qu’elle n’eût ses chagrins tout autant que si elle eût été dans sa raison ; car aussitôt que venait l’hiver et qu’elle voyait la figure du soleil son époux pâlir et trembler sous la neige comme ferait un beau jeune homme blessé à mort, aussitôt qu’elle voyait cette gloire immense obscurcie par d’épais nuages, comme cela arrive aux plus grands hommes de ce bas monde, dont l’envie obscurcit la gloire, alors la malheureuse femme devenait en effet la plus triste des créatures humaines ; plus de repos, plus de sourire, plus de chants, plus de fêtes dans son âme ! Ne voyez-vous pas son époux qui gèle et qui tremble là-haut, reposant sa tête fatiguée sur les montagnes couvertes de glaces ? Que les journées d’hiver paraissaient