Page:Janin - Les catacombes, tome 4.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
les mémoires

mone, entourent Bilbilis. Voilà pourtant la fortunée patrie que j’abandonnai à peine âgé de vingt-un ans ! J’étais bien pauvre alors ; et que de fois, sans asile et sans robe, j’ai maudit les imprévoyants parents qui m’ont fait étudier les lettres ! Qu’avais-je besoin en effet, pour vivre ainsi misérable, des grammairiens et des rhéteurs ? à quoi bon une plume inutile qui ne pouvait ni m’habiller ni me nourrir ? Quand je vins à Rome Néron vivait encore, et il se servait lui-même de comédien et de poëte. J’en étais réduit à flatter, non pas César, mais les subalternes de la cour impériale, qui me donnaient en revanche la robe et le souper. Je flattais, entre autres vicieux sans pudeur, un jeune débauché qui s’appelait Régulus. Ce Régulus avait eu le courage de passer, au grand galop de son cheval, sous un portique en ruine, et je célébrais sa valeur comme s’il eût été le véritable Régulus. « Quel horrible forfait, m’écriai-je (pardonnez-moi, j’étais à jeun !), ce