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LES ÉGOUTS.

fièvre à peine plongés dans cette boue infecte, leur peau devient sanglante, elle se couvre ensuite d’une croûte épaisse, une horrible infiltration purulente est établie dans ces tristes cadavres… Cependant, chose étrange ! ces malheureux, qui ne gagnent que deux francs par jour, sont attachés à cette triste profession comme si elle était la plus belle du monde ; non-seulement ils l’exercent sans dégoût et sans fatigue, mais encore avec joie. Ceci est un des mystères de la toute-puissance d’attraction qui s’établit entre tous les malheureux. Ces pauvres diables, sépares du monde, habitués à s’aimer, à se plaindre, à se secourir, à se sauver les uns les autres, ne voient rien au-delà de l’égout dans lequel ils vivent. La grande cité parisienne les foule aux pieds de ses chevaux, elle n’a pour eux que des excréments et de la boue : peu leur importe ! Ils rendent à Paris oubli pour oubli : chassés de la grande famille qui vit sous le ciel, à l’air libre et pur, ils se sont fait à eux-mêmes une