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MON VOYAGE

toujours attelé, pendant dix années consécutives, à la charrue littéraire, sans avoir franchi une seule fois la borne du champ trop étroit qu’il nous faut labourer dans tous les sens. Les bonnes gens qui me font l’honneur de me porter envie et qui m’accordent, à ce qu’on dit, le bénéfice de leurs injures quotidiennes ou hebdomadaires, seraient peut-être moins furieux contre moi s’ils savaient combien chaque jour m’apporte de longues heures de travail, et comment je suis lié à la glèbe, et comment il n’y a pas de dernier manant littéraire chassé de la boutique de son maître pour ses fautes de français, de goujat en haillons calomniant au jour le jour pour oublier sa faim, de pauvre diable réglant l’état à prix fixe, de pâle envieux sans esprit et sans style, qui ne soit plus libre et plus heureux que moi, conscience à part, bien entendu.

Donc, il y a de cela vingt jours, voyant que le soleil était par trop brûlant et me sentant tout de bon la tête fatiguée, et la main aussi,