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DANS ALEXANDRIE.

choc, et l’abîme s’ouvrirait pour te dévorer comme Curtius. De ce fardeau il n’y a que moi qui ai le droit de me jouer ; moi seul je pourrais le laisser tomber sans mourir parce que je suis l’esclave d’Antoine. Aussi est-ce pitié lorsque, dans l’antichambre de mon seigneur, je rencontre des rois timides et tremblants. Ils se lèvent à mon aspect, et, saisissant leur couronne des deux mains : — Salut, disent-ils, salut au seigneur Éros ! vive à jamais le clément Éros !… Et ils sont heureux de me prendre la main, parce qu’ils savent que souvent de cette main un sceptre peut tomber.

Ainsi parlait Éros. Au son emphatique de sa voix on voyait qu’il était convaincu de sa dignité d’esclave et de sa supériorité sur les hommes libres. En même temps, et comme pour mieux la prouver, il jouait avec son redoutable fardeau comme un enfant jouerait avec un hochet, le changeant d’épaule à chaque instant ; après quoi, tout fier de son audace, il me regardait