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MON VOYAGE

vous parlais tout à l’heure, et qui ne sortent de leur profond sommeil qu’à certaines heures de l’année, pour payer leur impôt, pour gauler leurs pommes, pour faire leur provision lamentable de bière et de cidre ; après quoi la ville se recouche sur elle-même, et elle lèche sa patte comme l’ours dans l’hiver. À peine entré à Dieppe, on cherche la mer, et on est tout étonné de trouver la mer tout au loin, bien loin des maisons et des rues, qu’elle animerait par son grand bruit et par ses grandes couleurs. Au reste, en fait de mer, ne me parlez pas des rivages qui ne servent qu’à baigner quelques malades, et dont le flot indigne se trouve arrêté, non par le noble grain de sable de l’Écriture, mais par le cadavre à demi vivant d’un homme ! C’est là une humiliation que le Tout-Puissant n’aurait pas osé prédire à la mer, cet enfant de sa colère. À peine arrivé à Dieppe, l’étranger qui n’a rien de mieux à faire se rend à la mer, et aussitôt, malade ou bien portant, mince ou replet, sans que per-