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INTRODUCTION

à qui il donnait le bras si familièrement n’était rien moins qu’une chanteuse de l’Opéra, oui, de l’Opéra ! une coryphée, par ma foi ! Alors je ne fus plus de ce monde, alors ma tête bourdonna comme lorsque vous avez les oreilles pleines d’eau à l’école de natation. Je ne sus plus à quel enthousiasme obéir : être là à côté d’une femme de l’Opéra, être là en face de Gavaudan, de Gavaudan lui-même ! la sentir, elle, distraite, ennuyée, lorgnant d’autres hommes que nous deux (j’en suis fâché pour mon ami), écoutant sans les entendre mes fades, tremblants et timides compliments, prenant sans l’accepter mon bouquet de violettes ! À qui entendre ? à lui ? au chanteur ? à tous deux ! La soirée fut enivrante. Dans ce temps-là les femmes, quand elles étaient jeunes et belles, étaient revêtues pour moi de je ne sais quelle auréole bleue et flamboyante, espèce de phosphore parti de l’âme, que je ne saurais vous expliquer faute d’expression. Que de passion j’avais alors ! Oh ! donnez-moi seule-