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INTRODUCTION

liqueux d’un militaire, le sourire agaçant d’une femme sur le retour, le hennissement des chevaux et les jurons affreux du postillon !

Cela se passait en pleine Restauration. La diligence qui me prit à Lyon, au sortir des pataches de Vienne, se ressentait des étranges éléments de cette singulière époque : il y avait avec moi dans la même voiture une femme entretenue de Paris, belle encore, femme tout à fait de l’Empire, qui se souvenait avec transport des chevaux café au lait, des fêtes du couronnement et du sacre, et qui savait par cœur la naissance du roi de Rome ; il y avait un solliciteur de province, pâle et efflanqué coureur de bureaux de tabac ou de loterie, homme bien pensant et porteur de la décoration du Lys ; il y avait un noble, un marquis, ma foi ! poudré à blanc et porteur d’une queue très-mince et d’une figure très-méprisante ; il y avait un chanteur italien, qui mangeait des œufs crus à chaque repas pour conserver sa voix. Cet homme, le premier artiste de théâ-