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INTRODUCTION.

n’allais pas au café Procope, et cela pour de bonnes raisons.

Je me souviendrai toute ma vie du jour où je dis adieu à ma mère, pour ne plus la revoir, hélas ! Nous nous étions levés bon matin ce jour-là, car nous devions aller rejoindre, à quatre grandes lieues de traverse, la méchante voiture publique par laquelle je devais partir, de l’autre côté du Rhône. La chambre de ma mère donnait justement sur le grand fleuve : on l’entendait mugir et gronder ; on le voyait, à travers les rideaux, scintiller comme une flamme. Cette petite maison paternelle, sur les bords de l’eau, était toute retentissante ; elle appartenait au Rhône tout entière ; c’était le bien, le domaine du fleuve. Terrible fleuve, mais pourtant bien-aimé ! il était notre fléau et notre joie. En été il enlevait les fruits et les légumes du jardin ; en hiver il prenait ses ébats au rez-de-chaussée, il dansait au salon, il s’asseyait à la table de la cuisine. C’était notre hôte forcé, mais enfin c’était notre hôte.