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XXII
À THÉODOSE BURETTE.

relles ? L’ambition les a pris tous. Ceux qui sont restés purement et simplement des écrivains, on les montre du doigt et l’on dit en levant les épaules : Ce ne sont que des écrivains ! Il faudrait cependant en parler avec plus de réserve, ne fût-ce que par respect pour le talent de leurs frères politiques qui ont quitté la partie et qui leur ont laissé pour héritage la lutte de chaque jour.

Ainsi donc, frère, quand tous nos amis nous ont quitlés pour aller, chacun de son côté, à des destinées nouvelles, quand toutes les existences qui nous entouraient ont été changées, voilà comment je me retrouve cependant, près de toi, le même homme qu’il y a quinze ans et tout comme si j’avais passé toute ma vie loin du bruit, des passions et de la littérature de chaque jour. C’est qu’en effet je suis resté dans ma voie pendant que tant de gens en changeaient, et toi alors tu es revenu à moi plus dévoué que jamais, et nous avons compris qu’il n’y a qu’un bonheur dans le monde, l’amitié, puisque aussi bien, nous autres parias, nous ne pouvons guère aspirer aux saintes joies de la famille.

Que veux-tu ? nous n’avons pas payé notre charge, nous n’avons d’autre privilège que le privilège de notre art ; nous sommes autant d’oiseaux sur la branche pour lesquels il n’y a qu’un printemps, pour lesquels il n’y a ni automne ni hiver.

Les six petits volumes que je t’envoie ont été recueillis