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XX
À THÉODOSE BURETTE.

s’il vous avait vu la veille ! ou bien, un soir d’hiver, s’assied à votre foyer M. de Lamartine, ce beau rêveur qui parle si bien de Dieu et de l’amour ! ou bien Meyerbeer, qui vous raconte les passions nouvelles dont il va remplir tous ces artistes qui ne chantent, qui ne pleurent, qui ne vivent que par lui ! Ce sont là de grandes fêtes et de grandes joies ! Et souvent, quel bonheur encore ! de savoir de loin toutes ces nobles mains qui vous sont tendues, ces bons sourires qui vous protègent, ces voix éloquentes qui vous défendent, ces lecteurs qui marchent à vos côtés, que vous connaissez tous depuis que vous suivez le même sentier, eux et vous, dont vous savez tous les goûts, toutes les espérances, dont vous ne savez pas les noms !

Oui, tu as raison, Théodose, de m’encourager dans ma voie : la profession est noble et belle. Quel est en effet l’avocat le plus fêlé au barreau qui s’adresse à un pareil public, qui ait à défendre de plus belles causes, l’art, le goût, la raison, le bon sens, la moralité du drame, l’utilité de la poésie, la dignité littéraire, la gloire acquise ? quel est l’orateur, quel est le procureur du Roi qui fasse comparaître à sa barre de plus grands crimes ? quel est le philosophe qui parle dans une plus vaste école ? quel est le soldat qui, l’épée à la main, défende un plus large espace ? quel est l’homme d’argent qui brasse autant de louis d’or que le critique brasse d’idées ? Mais, hélas ! comment