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DE SADE.

ne devait plus sortir de ces murs que pour aller à l’échafaud, et le condamné le regardait avec complaisance pour se fortifier dans cette idée que nous n’avons pas une âme immortelle ; puis il entrait dans ces parcs réservés à la folie, où l’homme, devenu une brute, s’abandonne à tous ses instincts et révèle tout haut les sentiments cachés de sa nature ; d’autres fois il s’amusait à regarder ces êtres informes, à moitié nés, vieillards à dix ans, accroupis sur la paille, et cherchant à comprendre d’un air hébété pourquoi cette paille est infecte et salie. Il était donc là dans cette prison en homme libre ; il était l’homme sage au milieu de ces fous, l’homme innocent au milieu de ces criminels, l’homme d’esprit au milieu de ces idiots ; il était l’âme de ce monde à part, il en était le génie malfaisant ; on l’adorait, on l’écoutait, on croyait en lui ; ceux qui n’étaient pas assez heureux pour l’approcher le regardaient de loin ; parmi tous ces grands coupables, tous ces grands