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LE MARQUIS

il vociférait des infamies par les barreaux de sa fenêtre ; se promenait-il dans la cour : il traçait sur le sable des figures obscènes ; venait-on le visiter : sa première parole était une ordure ; et tout cela avec une voix très-douce, avec des cheveux blancs très-beaux, avec l’air le plus aimable, avec une admirable politesse ; à le voir sans l’entendre, on l’eût pris pour l’honorable aïeul de quelque vieille maison qui attend ses petits-enfants pour les embrasser. Voilà l’énigme qui a occupé toutes les intelligences contemporaines, et qu’aucune d’elles n’a pu expliquer.

Lui cependant, habitué aux prisons et sachant ce que c’était que la volonté de l’Empereur, s’arrangeait de son mieux dans cette ville immense remplie de folie et de crimes qu’on appelle Bicêtre. Chaque jour lui amenait sa distraction : tantôt il assistait au départ de la chaîne, et les forçats lui disaient adieu comme à une vieille connaissance ; tantôt il voyait entrer le condamné à mort, qui