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LE MARQUIS

prêtre, il se demandait tout bas si son oncle n’allait pas le dévorer, comme font des petits enfants tous les prêtres du marquis de Sade ; sur les bords du Rhône, parsemés de jolis cailloux de mille couleurs, il cherchait à découvrir le cadavre des nouveau-nés qu’on y avait jetés dans la nuit ; passait-il sur la route quelque jeune fille dans une rapide calèche, le pauvre Julien appelait au secours, car à coup sûr la jeune fille était enlevée à ses parents pour être jetée dans quelqu’un de ces repaires de vices et de violences qu’il voyait partout et à chaque pas depuis son atroce lecture. Depuis ces deux nuits Julien avait perdu toute idée d’une société qui se défend elle-même, toute idée d’une loi morale qui ne peut pas mourir, toute idée d’une loi politique maintenue par le concours de tous les citoyens ; il était tombé, le cœur le premier, dans l’abîme du marquis de Sade ; en un mot, tant de terreurs incroyables l’avaient poussé dans l’épilepsie, ce triste rêve de bave et de