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XVII
À THÉODOSE BURETTE.

Mais, te disais-tu à toi-même, tout bien considéré, quelle est donc l’œuvre moderne qui ait plus de vingt-quatre heures de durée ? Ne sommes-nous pas dans le siècle des choses improvisées ? Le drame, la comédie, le roman, le discours politique, improvisation d’une heure, improvisation d’un jour, qu’importe ? La révolution de juillet, pour avoir été improvisée en trois jours, en est-elle moins une révolution ? Donc, après y avoir bien pensé, tu m’as laissé me plonger dans cet abîme sans fond de la littérature périodique où se perd, sans fin et sans cesse, l’esprit de chaque jour. Dans ce gouffre béant qui dévorera tout ce siècle, on eût jeté, l’un après l’autre, Voltaire, Rousseau et Montesquieu, que le monstre eût crié : Encore ! L’Encyclopédie tout entière n’eût pas duré plus d’un mois à ce compte, et pourtant tu te consolais de me voir occupé à ce long travail des Danaïdes en te disant : Au moins a-t-il une position grande et forte et qu’on envie !… Mais, je te prie, à force de zèle, de persévérance et de courage, quelle est la position qui ne soit pas tenable ? Celle-là surtout, celle d’un homme qui peut dire tous les jours à la foule attentive tout ce qu’il a sur le cœur, qui impose son blâme ou sa louange, dont la parole est écoutée, dont le jugement est attendu ? Celui-là est entouré tout autant que les autres hommes qui disposent de la fortune publique, car celui-là il dispose de la renommée. Celui-là est environné d’ennemis et