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LE MARQUIS

Je vous comprends encore : vous me tenez quitte de toute analyse, il est vrai, mais vous persistez à savoir comment, moi, j’ai lu ce livre, moi qui n’ai pas comme vous pour ma justification l’oisiveté et le doux far niente des quatre saisons de l’année. Mon Dieu ! c’est une triste histoire de ma première jeunesse, et qui s’est passée dans un chaste pays de montagnes, et que je vais vous raconter telle qu’elle est, sans détour et sans y rien changer.

Nous sortions à peine du collège, belle époque d’ignorance présomptueuse et de pressentiments éblouissants. La vie s’ouvre alors belle, et parée, et heureuse ! c’est là un premier, un solennel moment de liberté qu’on ne retrouve jamais dans sa vie. Joyeux et libres, nous étions partis, un de mes amis, un de mes compatriotes et puis moi, pour retourner sur les bords sinueux de notre fleuve turbulent et vagabond, le Rhône ; le Rhône, notre amour, notre passion, notre rempart, qui nous a bercés et endormis quand nous étions enfants. Et en